Rêve avec moi
Mon ami Rolando a récemment annoncé la sortie de l’album “Un poquito más”. J’ai apporté ma modeste contribution en écrivant les paroles du titre “Rêve avec moi”. Je vous invite d’ailleurs à visionner le clip de cette chanson ainsi que d’autres vidéos sur la chaine Youtube de Rolando Salsa & Orquesta. Pour les personnes intéressées, cet article contient le texte de la chanson ainsi que des informations complémentaires (mais probablement pas exhaustives… à vous de faire votre propre interprétation!).
Rêve avec moi
(Premier couplet)
En sommeil onirique
Je prends mon essor,
Comme un icare mythique
Aux ailes du noir condor!
Les montagnes andines
Je peux survoler,
Machu picchu tes ruines
J'aperçois sous mes pieds!
(Refrain)
Rêve avec moi,
De ces paysages splendides!
Contemplons tels des rois
Suspendus dans le vide!
Rêve avec moi,
De ces beaux décors lointains!
Envolons-nous de joie
Vers l'azur péruvien!
Rêve avec moi!
(Deuxième couplet)
Un songe fantastique
S'élève de mon corps,
Je suis l'inca mystique
Veillant aux cités d'or!
L'amazonie dessine
Ses forêts sacrées,
À l'ouest la lave divine
Sort de lamas fâchés!
(Refrain × 2)
Genèse
Le 28 juillet 2015, Rolando m’envoya la mélodie de la chanson avec un arrangement de guitare. Il ne m’avait pas vraiment fixé de contraintes, si ce n’est un thème joyeux et un refrain facile à retenir. Pendant un mois, il m’a été difficile de trouver le temps et l’inspiration…
J’ai alors pensé à la fois où il avait voulu me dire “j’ai rêvé de toi” en traduisant de l’espagnol “he soñado contigo” (littéralement j’ai rêvé avec toi). Cela m’a donné l’idée d’un thème onirique et d’une invitation au voyage vers son pays, le Pérou. En outre, je me suis souvenu du poème Élévation des fleurs du mal où Baudelaire décrit une ascension de l’esprit Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées, des montagnes, des bois, des nuages, des mers
, ce qui allait bien avec la variété et beauté des paysages du Pérou.
Dans la nuit du 29 au 30 août, j’ai donc écrit les paroles en reprenant ces thèmes habituels mais en incluant les symboles et clichés du folklore péruvien (notez que je vous ai épargné le syrinx et le chullo) ! Le refrain à été écrit tout à la fin en quelques minutes, suivant les conseils de Rolando d’avoir quelque chose de simple.
Explication de texte
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“sommeil onirique”: allusion aux différentes phases du sommeil, ici un état de rêve.
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“Je prends mon essor”: cf le poème de Baudelaire:
… Celui dont les pensers, … prennent un libre essor …
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“icare mythique”: Dans la mythologie grecque, Icare est connu pour avoir volé trop près du Soleil avec des ailes de cire. L’expression “rêve d’Icare” renvoie au désir de voler.
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“noir condor”: Le condor des Andes, symbole du Pérou.
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“montagnes andines”: référence à la cordillère des Andes qui traverse le Pérou.
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“Machu picchu”: la célèbre cité inca au sommet d’un mont de la Cordillère des Andes. Le site est aussi situé aux limites de la forêt amazonienne (cf second couplet).
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“tels des rois”: idée des rois dominants le monde au haut de leur tours. Voir aussi “Inca” dans le second couplet.
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“l’inca mystique”: Inca désigne à la fois une civilisation précolombienne des Andes et leur empereur. Les Incas vouaient un culte particulier à leur souverain, considéré comme le “fils du soleil”.
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“cités d’or”: Allusion au mythe des cités d’or chez les conquistadors.
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“amazonie”, “forêts”: référence à la forêt amazonienne qui s’étend sur une partie du Pérou.
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“À l’ouest la lave”: La zone volcanique centrale des Andes est due à la subduction par l’ouest de la plaque de Nazca sous la plaque sud-américaine. Petit mea culpa: en réalité, à l’échelle du Pérou, les volcans sont plutôt situés au sud du pays…
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“lave divine”, “lamas fâchés”: Référence au célèbre camélidé. Comme dirait l’indien quechua de Tintin et le Temple du Soleil, “quand lama fâché lui toujours faire ainsi”. De la même manière, on retrouve l’image usuelle des irruptions volcaniques comme manifestation de la colère des dieux, qui “crachent le feu”.
Analyse des paroles
Comme indiqué plus haut, le texte reprend les thèmes classiques (si j’ose dire) du courant romantique:
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rêve, imaginaire…: “sommeil onirique”, “mythique”, “songe fantastique”, “cités d’or”, rêve d’“icare”, “rêve avec moi”
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mysticisme, spiritualité…: “mystique”, “sacrées”, “divine”
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mouvement ascentionel, hauteur…: “je prends mon essor”, “icare”, “ailes”, “condor”, “survoler”, “sous mes pieds”, “rois”, “suspendus dans le vide”, “envolons-nous”, “azur”, “s’élève”
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goût de l’ailleurs, invitation au du voyage: “azur péruvien” et toutes les références au Pérou précédemment citées, “rêve avec moi”, “envolons-nous”, “décors lointains”
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nature, paysages, beauté, contemplation, plaisir…: “condor”, “montagnes”, “Machu picchu”, “paysages splendides”, “Contemplons”, “J’aperçois”, “beaux décors lointains”, “azur”, “cité d’or”, “amazonie”, “forêts”, volcans (évoqués par la métaphore des lamas fachés), “lamas”, “joie”.
Les couplets sont construits de façon symétrique. Idée de l’état de rêve du narrateur (“sommeil onirique” / “songe onirique”) suivie d’une élévation (“prends son essor”, “S’élève de mon corps” puis d’une personnalisation avec “l’icare mythique aux ailes du noir condor” ou avec “l’inca mystique veillant aux cités d’or” et enfin une admiration des paysages (“montagnes”, “Machu picchu” / “amazonie”, volcans). On notera aussi la métaphore animalière (“condor”, “lamas”).
De la même façon, les deux strophes du refrain sont construites de façons parallèles: “paysages splendides” / “beaux décors”, “Contemplons” / “Envolons-nous”, “vide” / “azur péruvien”. Le refrain forme un condensé des thèmes mentionnés ci-dessus. Il reprend le titre expliqué plus haut, qui lui même contient le “rêve”, “l’invitation au voyage” et implicitement le Pérou (par l’erreur de traduction hispanique).
Comme indiqué plus haut, la chanson est inspirée du poème Élévation. Dans la notice de de la bibliothèque de la pléiade (p. 838-839) Claude Pichois suggère que la fin du poème renvoie au thème des correspondances baudelairiennes. On remarquera que dans la chanson, les métaphores et comparaisons de la nature andine correspondent en effet aux mythes, légendes et dieux de l’imaginaire inca et occidental.
En guise de conclusion, notons que Claude Pichois cite aussi l’essai de Baudelaire sur Wagner où ce dernier raconte ses impressions à l’audition de Lohengrin:
Je me souviens que, dès les premières mesures, je subis une de ces impressions heureuses que presque tous les hommes imaginatifs ont connues, par le rêve, dans le sommeil. Je me sentis délivré des liens de la pesanteur, et je retrouvai par le souvenir l’extraordinaire volupté qui circule dans les lieux hauts
Est-ce qu’à son plus humble niveau, “rêve avec moi” permettra aux amateurs de musique latine d’être transportés vers l’“azur péruvien”… à vous de me le dire ;-)